Le monde de Melwar
Encyclopédie du Règne Animal
NATURE DES DOCUMENTS : 1 Transcription d’un journal manuscrit et 3 carnets à dessins
HISTORIQUE : Documents issus de l’expédition « Istria » (Archive EX1426) à visées archéologiques, menée dans les jungles à l’ouest de Lylandor. Ces documents ont été trouvés par hasard près d’un cadavre d’erklax, a priori l’auteur. Ce dernier est supposé être Hictor Malveole (EX1204) disparu au cycle 344.
CODIFICATION : AP54
4ème mois du 343ème cycle
Mon voyage débute enfin ! Je quitte la sécurité de mon foyer et ma douce Elysia pour entamer ce qui va être la plus grande œuvre de ma vie. Le Recteur de la Grande Bibliothèque a enfin consenti à m’accorder les fonds pour cette expédition dans tous les coins de Melwar. Je ramènerais à Bamlion mes nombreux carnets à dessins pour écrire mon « Encyclopédie du Règne Animal ». Et tous ces idiots de professeurs verront bien que je ne suis pas cinglé, comme il se dit le long des alcôves de la Bibliothèque !!
Flanqués de mes gardes du corps, un chasseur erklax du nom d’Ingor et un mercenaire Oslo, Patchi je crois, je commence par traverser le désert de Fuldrasse, vers l’Est puis droit au Sud, vers les marais. Cette première étape est décevante, le peu de créatures qui peuplent les dunes se cache à notre vue. J’exhorte mes compagnons à sortir des routes pour s’enfoncer plus loin dans le territoire des Gargoliths, et des Vers des Sables. Mais à défaut de pouvoir observer ces rares créatures, je me contente d’un Catrasecte moribond, se chauffant au Soleil dans une léthargie profonde.
Nous arrivons aux portes des Marais, et l’odeur commence à se faire exécrable. Mais qu’importe ! Les marécages hystils regorgent de vie, voilà de quoi étayer mes travaux.
5ème mois du 343ème cycle
Ces rattus sont impressionnants ! Ils s’adaptent à tous les milieux, et prennent toutes les formes imaginables. Mais heureusement que mes deux compères sont là pour m’en protéger. J’ai tendance à m’approcher un peu trop près parfois. Bah ! Au moins j’aurais pu détailler l’anatomie de certains d’entre eux de plus près. Enfin ce qu’il en reste… Nous rentrons chaque nuit sur notre campement, une plate-forme flottant sur les marais. Des chasseurs et herboristes hystils nous y ont accueilli sans chaleur mais bon… ce peuple melwan est bien étrange parfois.
Cela fait maintenant deux nuits que notre sommeil est troublés par des cris stridents. Etouffés par la végétation dense, il est difficile de savoir d’où ces bruits peuvent venir. Je me décide à interroger nos hôtes pour en savoir plus. A priori les marais profonds sont habités par des créatures extrêmement dangereuses, et ces cris seraient ceux des Succubes, beauté et mort incarnées. Mes compagnons refusent de pousser plus loin dans les marais. Pleutres ! mais je ne vais pas m’aventurer seul là dedans… je tiens à la vie !
Mon voyage doit se poursuivre, et nous repartons sur les routes en direction des pics orientaux. La montagne me livrera-t-elle ses secrets ?
6ème mois du 343ème cycle
Nous empruntons les chemins sinueux qui montent toujours plus haut dans les montagnes. Nous saluons au passage les mineurs ayant établi une exploitation sur les versants ouest. Raldors et Oslos pour la plupart, ils sont bien plus chaleureux que les Hystils et n’hésitent pas à nous raconter toute sorte d’histoires autour d’une bonne choppe de bière. Si la moitié de ce qu’ils nous racontent est vrai, cela suffirait déjà à remplir une douzaine de livres ! Une histoire retient particulièrement mon attention : celle d’une reine des Araignées qui vivrait là haut, dans les grottes. Je connais bien les Araignées géantes pour en avoir croisé quelques unes, mais cette… reine… voilà qui est curieux !
Suivant les indications des autochtones, nous atteignons enfin les grottes de Savory, loin au sud. Nous y avons fait une rencontre terriblement excitante ! Une créature arachnoïde vit bien là haut, au milieu de sa progéniture. Mais l’évolution lui a donné des bras et un torse humanoïde, et une intelligence brille bien dans ses yeux multiples. Quel dommage que nous ayons dû fuir à toute vitesse après quelques minutes d’observation à peine ! J’ai nommé cette créature Arachnia Sylla, du nom de ma fille. Elle a toujours adoré les petites bêtes…
Nous allons de mal en pis depuis quelques jours ! Nous avons été surpris au détour d’un chemin par les cris gutturaux et le pas de charge d’une dizaine de Kraäl des collines. Nous avons tout abandonné pour fuir vers l’ouest, et se cacher dans les taillis. Heureusement que ces stupides créatures sont faciles à semer…
7ème mois du 343ème cycle
L’été commence à réchauffer l’air et les marais n’en deviennent que plus nauséabonds. Nous prenons la route de Minëyahd pour ravitailler. En chemin mes carnets à croquis s’étoffent de planterons et autres vignes carnassières.
[Le reste de la page est tachée de sang et de traces noirâtres, l’écriture est brouillonne et partiellement lisible]
… tombé dessus sans prévenir ! Opinatt nous protège ses griffes étaient immenses ! Et l’odeur… par tous les Démons son odeur était immon [la phrase suivante est incompréhensible]
Ingor est mort ! Il s’est fait écharper tandis que nous courions animés d’une terreur indicible. Il faut que je dessine cette créature tant que ces images sont encore fraiches. Il le faut. IL FAUT. Il
[La page suivante est rédigée proprement mais d’une écriture mal assurée.]
Je n’ai pas dormi depuis l’attaque. Cela fait deux jours que nous sommes à Minëyahd mais je ne reprends ma plume qu’aujourd’hui. J’ai bien réfléchi et cette créature ne peut être qu’un Kraäl. Il en plusieurs caractéristique qui ne trompent pas. Mais son aspect ! Lutracie m’illumine, il était… putréfié ! Un corps en décomposition qui se mouvait avec une vitesse et une sauvagerie inexpugnable.
Patchi démissionne, et je lui ai donné ses Loups d’or pour qu’il rentre à Bamlion par le prochain bateau. Je dois prendre la mer moi aussi, ce voyage - l’œuvre de ma vie ! - doit reprendre. La forêt de Lylandor sera peut-être plus accueillante…
8ème mois du 343ème cycle
Le voyage en mer s’est plutôt bien passé… Seuls quelques petits krakens ont croisé notre sillage, rien de bien palpitant. Cela aura eut au moins le mérite d’améliorer l’ordinaire de la cambuse. Par contre, les marins erklax sont tous autant amateurs de vieilles histoires, tant sur les serpents des mers du nord ou sur le gigantesque kraken qui vit dans les profondeurs. J’aurais peut-être le temps de vérifier ces légendes lors d’un prochain voyage ! Mais voilà Lodérane qui approche, j’aperçois déjà au loin la luxuriante forêt de Lylandor !
Lodérane est largement peuplée d’Oslos au teint halé, parlant avec un fort accent mélodieux. Leurs sourires sont chaleureux et ils m’indiquent sans peine plusieurs chasseurs qui pourraient me guider dans les environs. L’un d’entre eux, Carl, accepte avec joie ce travail, visiblement heureux de pouvoir me montrer les « merveilles de sa forêt ». Quelques jours de préparation et nous voilà partis vers le nord.
9ème mois du 343ème cycle
Cela fait longtemps que je n’ai pas prit ma plume, mais nous avons essuyé de violents orages sur la route. Les bêtes craintives se cachent avec efficacité dans les sous-bois mais Carl est un expert pour les approcher discrètement. Nous croisons ainsi un couple d’équidé à la robe flamboyante. De très belles montures pour qui saura dompter leur sauvagerie ! Quelques filibois et un vieux sanglebouc viennent s’ajouter à mes carnets.
Dix jours à tourner en rond ! Et toujours rien de mieux… Carl commence à perdre sa fougue et son sourire habituels au fil des jours. Nous sommes en plein territoire troll me dit-il. Je tente de le convaincre de rester encore un peu dans les environs. Mes recherches sont pourtant formelles, cette région de Lylandor est parmi les moins explorées, je vais bien finir par découvrir quelque chose !
[La page suivante est remplie d’une écriture moins assurée. Dans une visible précipitation, la plume a même percé le fin parchemin par endroit. Des tâches translucides laissent à penser que l’auteur à laisser échapper quelques larmes.]
Une merveille ! Je n’avais rien vu de tel ! Je ne saurais la décrire, et mes mains tremblent encore lorsque j’essaie de dessiner ses traits. Elle est venue dans la nuit. Une lumière bleutée m’a réveillé, et lorsque je suis sorti de ma tente, elle était là, beauté silencieuse. Elle s’approchait de moi lentement, et moi j’étais pétrifié, plongé dans ses yeux chatoyants. Les plumes de ses longues ailes étaient teintées de milles reflets. Carl est sorti l’instant d’après de sa tente dans un cri, son épée à la main. Quel crétin ! Sinistre idiot ! La créature s’est tourné vers lui et le voyant ainsi vindicatif sa forme à changé soudainement. En un battement de cil la lueur douce et bleutée s’est transformée en un rougeoiement intense, et dans un feulement de tigresse elle s’est jetée d’un bond dans l’arbre le plus proche, grimpant avec une grâce féline jusque dans les hautes branches avant de prendre son envol, et disparaître en quelques secondes.
Carl est un idiot. Il ne souhaite plus qu’une chose : chasser la créature et ramener son plus beau trophée ! Je l’exhorte à repartir, et il fini par accepter sous mon insistance.
J’ai détruit tous mes croquis de la créature. Je crois que la folie meurtrière des melwans est incurable. Si je veux protéger cette merveille je dois en taire l’existence, même si cela me fend le coeur.
11ème mois du 343ème cycle
Après notre long retour à Lodérane, j’ai congédié Carl en l’exhortant d’oublier la créature, mais je crois bien que rien n’y fera. Il est reparti il y a quelques jours avec deux hommes pour l’aider dans sa chasse. Les Démons m’en sont témoins je ne souhaite pas leur mort mais s’ils pouvaient revenir les mains vides, mon cœur en serait allégé.
Une vilaine toux menace mes vieux poumons d’homme loup. Trop d’orages et d’humidité dans cette forêt… Bah ! Je m’en remettrais bientôt. J’aimerais explorer la côte Ouest de Lylandor avant de partir pour Jourdal.
12ème mois du 343ème cycle
Le froid de l’hiver s’est installé pour de bon ! Ce qui n’arrange pas mes douleurs et cette saleté de toux. Je ne trouve personne à Lodérane pour me guider dans ces conditions vers l’ouest, et je vais me résoudre à prendre la mer pour Jourdal.
Bonne nouvelle ! Un oslo dénommé Alpius accepte de m’emmener vers l’ouest ! Vu la sommes que je lui ai proposé, il aurait eut tort… Un dernier voyage dans cette magnifique forêt et je pourrais repartir.
[Le reste du manuscrit est déchiré et rendu quasiment illisible sur plusieurs pages par des tâches noirâtres ou ensanglantées. Son possesseur a manifestement été tué peu de temps après son dernier récit. La dernière inscription lisible du journal est :]
… Ce n’est pas nous le Chasseur !! C’est lui ! Par l’enfer de Gally C’EST LUI !! …
[L’auteur a manifestement perdu la raison suite a ses blessures et ses propos n’ont plus aucun sens.]
DATE D’ARCHIVAGE : le 4ème jour des 7ème Lunes du cycle 372
ARCHIVISTE : Laudan Aristos, matricule ARCH1225
CLASSIFICATION DU DOCUMENT: APOSTHA